Retour sur un projet éducatif qui s’est déroulé de juin à septembre 2025 au CICRP.
Coordonné par Susie Richard, médiatrice du patrimoine au CICRP, et soutenu par le dispositif « C’est mon patrimoine » de la Drac PACA, le projet Certain·es disent que les pierres ne sentent rien a invité un groupe d’enfants de la Maison Pour Tous Kléber / Saint Lazare (13003) à plonger dans l’univers de l’étude géologique des pierres constituant le patrimoine.
Après plusieurs visites de découverte et de sensibilisation à la conservation et la restauration du patrimoine, le groupe a participé durant l’été à un stage avec l’artiste Clovis Deschamps-Prince au CICRP. Au cours de ce temps fort d’une semaine de création, Clovis Deschamps-Prince a fait librement résonner sa propre pratique artistique avec les pratiques professionnelles de l’équipe de géologues du CICRP. Qu’il s’agisse d’observer au microscope tel échantillon pour identifier la pierre utilisée dans la construction de ce monument historique ou bien d’envoyer des rayons laser à travers telle sculpture pour en comprendre les altérations au cours des siècles, les pierres ont tant à raconter. À bien les observer, on peut conter les civilisations humaines les plus anciennes, et même aller au-delà vers différentes échelles des temps géologiques.
Mêlant l’imaginaire au scientifique, Clovis Deschamps-Prince a proposé au groupe d’enfants une projection fictionnelle dans plusieurs milliards d’années :
« Depuis presque toujours, la communauté habite dans les grottes des Calanques et se promène sur les falaises. »[1]
Dans une ère géologique lointaine, un groupe d’êtres, devenus mi-humain mi-pierre, s’est réfugié dans les Calanques pour échapper à la montée des eaux après une vaste catastrophe naturelle. Ayant survécu parmi les roches du Massif calcaire, le groupe a peu à peu appris à écouter, à ressentir, voire même à communiquer avec les pierres. Dans les cavernes, les tunnels et autres cavités souterraines, leurs peaux ont pris des reliefs rugueux, leurs plantes de pied sont devenues sensibles aux mouvements des plaques tectoniques, leurs langues apprécient dorénavant les goûts minéraux.
« On aime bien se réunir pour contempler la formation des stalactites et des stalagmites. Elles ne poussent que quelques millimètres par an donc le spectacle peut durer très longtemps. »
Quand la mer se retire soudainement, la communauté lithique descend des hauteurs et arpente, après plusieurs milliers d’années sous les eaux, les ruines de Marseille. Un dialogue s’engage alors parmi et avec elles : monuments, statuaires et rues pavées se mettent à raconter leurs fabuleuses histoires.
« Nous qui avons l’habitude de sentir la roche sous nos pieds, ici, on perçoit des vibrations dans tous les sens. Le sol, les murs, tout parle en même temps ! Les histoires de ces pierres arrachées au temps géologique s’entrechoquent et se mélangent dans le paysage. »
Se mettant à l’écoute de cette archive géologique, la communauté s’est ouvert aux mémoires de ces pierres, en a appris davantage sur son propre passé et s’est projetée ainsi dans des futurs imaginaires. À partir de ce récit, chaque enfant a imaginé son « être-pierre », a confectionné son costume et a poursuivit ainsi l’écriture de l’histoire de cette communauté lithique.


Phase d’invention des personnages lithiques et de leurs caractéristiques & Portrait avec un costume de personnage lithique, dans le cadre du projet
« Certain·es disent que les pierres ne sentent rien » avec Clovis Deschamps Prince et les enfants de la Maison Pour Tous Kléber / Saint Lazare (13003),
CICRP, Marseille, 2025 – Photo : Clovis Deschamps Prince.
Durant une semaine, le groupe a exploré des techniques artistiques et traditions créatives issues du vivant et du minéral : peinture à la farine et à l’ocre, teinture naturelle aux noix de galle, etc. Par l’observation, l’écoute et le soin porté simultanément aux œuvres et monuments en pierre et à l’environnement qui nous entoure, se sont tissés des liens entre la protection des patrimoines culturels et naturels.
« Autrefois les humain·es croyaient que les pierres ne sentent rien. » Plus maintenant.
[1] Toutes les citations sont issues du fanzine « Certain·es disent que les pierres ne sentent rien » créé par Clovis Deschamps Prince dans le cadre du projet.