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Compréhension des mécanismes de noircissement des pigments à base de plomb et/ou mercure en peinture murale et détermination de techniques de conservation

Début du programme : 2018

CICRP : Jean-Marc Vallet, Odile Guillon, Théa de Seauve

Partenariats : Centre Interdisciplinaire de Nanosciences de Marseille (CINaM), Musée de l’Arles Antique, Émilie Checroun (restauratrice), Jean-Jacques Ezrati (éclairagiste conseil), Gilles Martinet (Aslé Conseil), Maite Maguregui Hernando (université du Pays Basque, Espagne)

Suite à plusieurs demandes pour comprendre les mécanismes de noircissement affectant des couches picturales rouges, ce programme de recherche, suspendu en 2010, a été repris. En effet, des noircissements affectant les peintures romaines déposées de la villa Kerylos (Beaulieu-sur-Mer), les peintures murales de l’église de Saint-Germain-des-Prés (Paris), de la chambre du pape au Palais des Papes (Avignon) et de la villa Laurens (Agde) ont été observés. Par ailleurs, les archéologues et restauratrices du MDAA, se sont inquiétés de l’apparition de noircissements de la couche picturale rouge de peintures murales, en cours de dégagement lors des fouilles de la Verrerie (Arles) et lors de l’exposition au sein du musée.

Le travail de caractérisation, repris en 2018 sur un panel d’échantillons (échantillons provenant du musée d’Arles, de la villa Laurens, du Palais des Papes et de la villa Kerylos) a débuté en 2019 et est en cours. Des analyses par MEB-EDX ont été réalisées en collaboration avec le CINaM et des expérimentations avec l’équipe de restauration du musée d’Arles sont menées, afin de mieux cerner le rôle des sels à base de chlorure dans le noircissement et le rôle de la lumière. Différents essais ont aussi été menés afin de préparer des échantillons de cinabre noirci pour des observations et analyses dans un MET haute résolution mais aucun n’a abouti à un résultat satisfaisant. Par ailleurs, la recherche d’un échantillon de référence de cordéroïte, chlorure de mercure noir qui est détecté parmi les phases composant le cinabre noirci s’est pour l’instant avérée infructueuse.

Un nouveau partenaire, Aslé Conseil, a été sélectionné par le MDAA pour l’analyse des mortiers et des sels solubles. Par ailleurs, les analyses menées d’une part au CICRP sur un échantillon issu du nettoyage d’un fragment (analyses en GCMS, DRX et IRTF) et d’autre part par l’université d’Avignon (analyses en GCMS et HPLC) pour caractériser les éventuels liants organiques présents (commande du MDAA), ont montré la très faible présence des matériaux organiques dans ces peintures, un seul échantillon semblant contenir des traces d’un liant protéique.
Enfin des contacts ont été établis entre le musée et l’équipe de M. Maguregui Hernando (université du Pays basque), qui travaille aussi sur le noircissement du cinabre des peintures de Pompéi, en utilisant notamment le µXANES et la µXRF (au voisinage du soufre et du chlore) ainsi que le µXANES au voisinage de Hg L3. Cette équipe travaille actuellement aussi sur le noircissement des peintures d’Aiôn, par comparaison avec leurs échantillons.
 
Par ailleurs, et dans le cadre de l’étude menée sur les échantillons du MDAA, des campagnes de suivi d’altérations par photodocumentation en lumière homogène et en lumière semi-rasante ont aussi été mises en place depuis 2018 selon des protocoles d’acquisitions et de traitements d’images établis sur la première campagne et reproduits sur l’ensemble des acquisitions photographiques suivantes à des fins de comparaisons. Cette méthodologie est poursuivie sur l’ensemble des nouvelles expérimentions menées par les restauratrices.
 
Diverses avancées ont été obtenues :

  • Le noircissement est corrélé à la présence de chlore et de gypse dans les couches picturales ;
  • Des essais de dessalement (par bain, par compresse, par bain et compresse) ont été menés et ont montré qu’ils permettaient de ralentir efficacement le noircissement ; ces essais ont été menés selon un protocole scientifique et accompagnés d’analyses des phases solides, des solutions ;
  • Le cinabre n’est pas affecté par le noircissement à l’abri de la lumière dans les réserves du musée d’Arles mais noircit lorsque du chlore est présent si on l’expose à la lumière.

Pour ce qui concerne le traitement contre le noircissement, outre les essais menés dans le cadre de ce programme, d’autres ont vu le jour :

  • L’équipe de l’université du Pays basque a lancé en 2023 un programme de recherche sur l’utilisation de compresses pour traiter ce noircissement ;
  • Le C2RMF a lancé un programme de recherche en 2023 dans le cadre d’un appel à projet régional en Île-de-France (Programme PAMIR ; projet DEGEL), sur l’utilisation de gels pour des opérations de dessalement ; le musée départemental Arles Antique est le seul partenaire de ce projet qui puisse être autorisé hors de cette région.

En 2023, des expérimentations de noircissement ont été menées sur un fragment choisi par les restauratrices du MDAA, parmi le lot de fragments ne pouvant être repositionnés dans la reconstitution des peintures murales d’Aiôn faite par les archéologues. Des essais, en appliquant une solution de NH4Cl à 2 et 5 %, ont permis d’obtenir rapidement un noircissement, ainsi qu’une zone de transition grise, entre la partie noircie, traitée par cette solution et la partie rouge, non traitée. Des caractérisations par HMEB-EDS et µDRX ont été réalisés par O. Grauby (CINaM) sur ces trois zones et sont en cours d’interprétation.
Par ailleurs, il a été observé un dé-noircissement partiel de fragments non dessalés, stockés dans l’obscurité : ces échantillons noircissent progressivement, lorsque du chlore est présent et qu’ils sont exposés à la lumière ; ce noircissement s’atténue au bout d’un certain temps, quand ils sont de nouveau stockés dans l’obscurité.

Les images réalisées sur ces échantillons et les échantillons traités par différentes techniques de dessalement ont permis de faire de premiers essais d’évolution de la couleur au cours du temps, en calculant les paramètres colorimétriques L, a, b* à l’aide d’Adobe Photoshop et sur un échantillonnage de quelques points sélectionnés sur ces images. Ces premiers essais semblent indiquer qu’il est possible de comparer, d’une part, les différents stades d’évolution de ces fragments et, d’autre part, de mettre en évidence les effets relatifs des différentes techniques de dessalement testées en termes de variations de couleur.

Enfin, une publication portant sur le noircissement et les essais de dessalement (résultats obtenus en 2022) a été acceptée par le comité d’évaluation de la revue Technè.