La première tranche de l’opération, conduite sur l’année 2021, correspondait au constat d’état, réalisé par Emmanuel Desroches et Denis Delpalillo, restaurateurs de sculpture, et à une campagne d’observations et d’analyses menée par l’équipe scientifique du CICRP. Cette campagne a été conduite dans une double perspective : mieux comprendre l’histoire de la construction et des remaniements de la cheminée, et appréhender les faiblesses, notamment structurelles, qui pourraient poser problème pour le remontage.
Le constat d’état a permis d’observer et de documenter chacun des 79 blocs au sein d’une base de données, en termes de matériaux, de particularités techniques dans la taille, la sculpture ou le montage, d’état de conservation et d’interventions. L’ensemble des traces se rapportant à l’histoire matérielle de l’œuvre (épures, numérotation des blocs, interventions) a été relevé et certains fragments isolés ont pu être relocalisés.
En parallèle au travail des restaurateurs, le CICRP a mené des campagnes d’observations et d’analyses.
L’examen en laboratoire sous loupe binoculaire de neuf échantillons sur les trois zones de la cheminée, jambages, linteau et hotte, a permis de distinguer trois faciès, mais qui restent très proches et semblent appartenir à une même formation sédimentaire, évoquant plus particulièrement la pierre de Pernes, très employée du Moyen Âge jusqu’à la fin du XVIIIe siècle en sculpture dans la vallée du Rhône autour d’Avignon.
Comparaison sous loupe binoculaire du bloc VI-A (x12 au niveau de la cassure), faciès granulaire fin à microlitage [1], et de la pierre de Pernes, provenant de la carrière de Sammontane (x20 au niveau de la cassure).
Des mesures de la vitesse du son ont été effectuées pour évaluer l’homogénéité des propriétés physiques des pierres, donnant des valeurs significativement basses, signe d’un matériau vieilli et/ou dégradé. Les valeurs étaient comparables entre les différents registres, à l’exception cependant de la partie centrale du linteau. La vitesse du son y est plus élevée, corroborant les observations des restaurateurs, qui avaient déjà noté sur ces claveaux l’absence des dégradations et des traces remarquées sur le reste de la cheminée.
Philippe Bromblet et Jérémie Berthonneau mesurant la vitesse du son sur un bloc du linteau.
Enfin, pour vérifier l’interprétation de la couche grise présente sur les pierres, régulièrement donnée comme une peinture ou une couche d’harmonisation, des analyses sur quatre coupes stratigraphiques, une croûte noire de référence et trois autres prélèvements, ont conclu à l’absence de liant organique, et à l’impossibilité d’affirmer que cette couche superficielle corresponde à une couche peinte, appliquée intentionnellement.
De haut en bas : zones de prélèvements des échantillons (en bleu, les numéros des blocs) ; vues en microscopie optique et en microscopie électronique à balayage des coupes stratigraphiques.
[1] Un microlitage est une structure organisée en une succession de petites strates.
Crédits : CICRP – H. Morel / P. Bromblet / E. Hubert-Joly / F. Bauchau